Depuis des millénaires, les êtres humains se questionnent sur les origines de l’univers, en cherchant à comprendre d’où ils viennent et comment le monde a vu le jour. La culture nordique montre une certaine compréhension du monde où l’équilibre des forces est au centre de la création. Les mythes sur le Ginnungagap, la genèse d’Ymir, l’émergence des dieux, et le cycle éternel du Ragnarök démontrent la richesse symbolique et philosophique de cette mythologie.
À travers elle, les anciens Scandinaves nous offrent un modèle de l’univers où la vie et la mort, le chaos et l’ordre, sont inexorablement liés. La mythologie nordique, en dépit de sa dimension tragique, célèbre aussi l’espoir et la résilience, invitant chacun à contempler les mystères de l’existence et à reconnaître l’interdépendance de toutes choses.
La mythologie Nordique décrit la création du monde en 6 étapes : 6 branches se succédant commençant par la création des mondes pour se terminer par leur destruction (pour ensuite renaitre). Voyons ensembles toutes ces étapes qui font le cycle de la culture Nordique.
I. Le néant primordial : Ginnungagap
Au commencement, il n’y avait rien d’autre que le Ginnungagap, un vaste gouffre s’étendant entre deux royaumes opposés. D’un côté, au nord, se trouvait Niflheim, un monde glacial, fait de brumes, de ténèbres et de glace éternelle. En son centre se situait la source Hvergelmir, d’où jaillissaient les rivières empoisonnées Élivágar. Ces rivières s’écoulaient à travers Niflheim et se transformaient en givre en s’éloignant, s’étendant jusqu’au vide du Ginnungagap.
De l’autre côté, au sud, se dressait Muspellheim, un monde de feu et de chaleur extrême, gouverné par Surt, un géant de feu brandissant une épée flamboyante. Le choc des éléments se produisit lorsque la chaleur de Muspellheim atteignit le givre de Niflheim au cœur du Ginnungagap. Ce fut dans cette collision entre le feu et la glace que l’étincelle de la vie jaillit.
De cette rencontre entre le chaud et le froid naquit Ymir, le premier des géants, immense et terrible. Simultanément, une autre créature prit vie : Audhumla, la vache primordiale. Ces deux êtres symbolisaient les forces premières de la nature, issues du chaos originel du Ginnungagap. Ymir et Audhumla allaient ensemble donner naissance aux premiers habitants de l’univers, établissant les fondations de la cosmogonie nordique.
II. L’émergence des premiers êtres
Ymir, le géant primordial, symbolisait la force brute et sauvage du monde naissant. Pour se nourrir, il buvait le lait qui coulait en abondance des pis d’Audhumla. Audhumla, de son côté, léchait des blocs de givre salé pour subvenir à ses besoins. En léchant ces blocs, elle fit apparaître peu à peu Buri, le premier des dieux. Sur trois jours, la silhouette de Buri émergea du givre : le premier jour, une chevelure, le deuxième jour, une tête, et le troisième jour, l’entité tout entière, Buri, se libéra des glaces. Ainsi, l’harmonie entre le chaud et le froid donna naissance non seulement à des géants, mais aussi à une lignée divine.
Quant à Ymir, durant son sommeil, il engendra de manière asexuée deux êtres : un homme et une femme géants. De cette union singulière, Ymir enfanta également un géant à six têtes nommé Thrudgelmir, qui, à son tour, perpétua la lignée des géants. De Buri, le premier dieu, naquit Borr, qui épousa la géante Bestla. Leur union donna naissance à trois fils : Odin, Vili et Vé. Ces trois frères deviendront les acteurs clés de la création du monde, animés par une volonté divine de mettre de l’ordre dans le chaos initial.
III. La création du monde par les dieux
Odin, Vili et Vé, désireux de transformer le chaos en un univers Nordique plus structuré, décidèrent de tuer Ymir. Dans un acte de violence sacrée, ils versèrent le sang du géant, noyant presque toute la race des géants à l’exception d’un couple qui échappa au massacre et qui deviendrait les ancêtres d’une nouvelle génération de géants. Les trois frères transportèrent ensuite le corps d’Ymir au cœur du Ginnungagap. Là, ils entreprirent de le démembrer pour en faire les éléments constitutifs du monde.
Avec la chair d’Ymir, ils façonnèrent la terre. Son sang devint les mers et les rivières, tandis que ses os se transformèrent en montagnes. Ils créèrent la voûte céleste à partir de son crâne, qu’ils placèrent au-dessus de Midgard, soutenue par quatre nains nommés Nordri, Sudri, Austri et Vestri. Les nuages prirent forme à partir de la cervelle d’Ymir, tandis que ses cheveux devinrent les arbres, et ses dents les rochers.
Les dieux utilisèrent même les larves qui s’étaient nourries du corps d’Ymir pour créer les Nains, êtres associés à la terre et à la forge. Enfin, les dieux prirent des étincelles provenant de Muspellheim pour former les étoiles, qu’ils disposèrent dans le ciel, permettant ainsi de distinguer le jour de la nuit. À travers ce sacrifice fondateur, les fils de Buri façonnèrent un monde tangible, ancré dans les éléments naturels.
IV. La structure du monde nordique
L’univers ainsi créé n’était pas qu’un simple amas de matière. Il était organisé en neuf mondes, chacun ayant une signification et un rôle précis. Au centre de ce cosmos, l’arbre Yggdrasil s’élevait majestueusement, reliant les neuf mondes entre eux. Cet arbre immense, dont les racines plongeaient dans les profondeurs du royaume des morts et dont les branches atteignaient les cieux, était considéré comme la colonne vertébrale de l’univers. Sous ses racines se trouvait la source de Mimir, détenant la sagesse et la connaissance universelles. Odin, en quête de savoir, sacrifia un de ses yeux pour boire à cette source et acquérir une sagesse incomparable.
Les neuf mondes se répartissaient en trois niveaux :
- Au sommet se trouvaient Vanaheim, Álfheim et Ásgard, respectivement les royaumes des Vanes, des Elfes lumineux et des Ases.
- Le niveau intermédiaire (du milieu …) comprenait Svartalfheim, le monde des Elfes sombres, Midgard, le monde des humains, et Jötunheim, la terre des géants.
- Enfin, au plus bas niveau, se trouvaient Muspellheim, le royaume du feu, Helheim, le monde des morts, et Niflheim, le royaume glacé.
V. La création des premiers humains
La création du monde par Odin et ses frères ne serait pas complète sans la présence de l’humanité. Un jour, les dieux trouvèrent deux troncs d’arbres sur la plage. Odin insuffla la vie à ces troncs, Vili leur donna l’intelligence, et Vé leur octroya les sens. Ainsi naquirent Ask et Embla, le premier homme et la première femme. Ils furent placés dans Midgard, un monde intermédiaire, conçu pour être habité par les humains. Autour de Midgard, les dieux érigèrent une muraille de protection pour les séparer des autres créatures et protéger ce nouveau peuple des forces du chaos.
Les dieux eux-mêmes s’établirent dans Ásgard, leur demeure céleste, reliée à Midgard par le pont Bifrost, un arc-en-ciel qui leur permettait de voyager entre les deux mondes. Ask et Embla, à l’image des dieux, devaient perpétuer la vie sur terre et honorer les dieux par leurs actes et leurs sacrifices. Ainsi, les dieux et les humains, bien que séparés, restaient en contact constant, chacun jouant leurs rôles dans le maintien de l’équilibre cosmique.
VI. Le cycle de création et de destruction
La mythologie nordique présente un univers dynamique, soumis à des cycles de création et de destruction. Le Ragnarök, ou Crépuscule des Dieux, représente la fin inévitable de cet univers. Les prophéties annoncent que le monde sera ravagé par une guerre finale opposant les dieux aux forces du mal, incarnées par des géants et des monstres redoutables, comme le loup Fenrir et le serpent Jörmungandr. Lors du Ragnarök, Odin et de nombreux dieux périront, et le monde entier sera englouti par le feu et les eaux.
Cependant, la fin n’est jamais définitive dans la mythologie nordique. Après le Ragnarök, un nouveau monde émergera des cendres de l’ancien. Deux humains, Lif et Lifthrasir, ayant survécu à l’apocalypse, repeupleront Midgard. Les dieux survivants, tels que Baldr et Höd, reviendront pour diriger ce nouveau monde, qui sera plus paisible et fertile. Ce cycle perpétuel de destruction et de génèse reflète une vision du cosmos où le chaos et l’ordre coexistent, chaque fin portant en elle l’émergence d’un nouveau commencement.